Illustration du poême d'Elsa Le Boudec.
On m’a encore proposé des choses à t’apporter
Parmi ces choses des chaussures
Des souliers de toute sorte
Des petits pour les petits
Des grands pour les grands
Des pour l’été
Des pour le printemps
Des pas sur mesure
La mesure du temps
De l’espace à traverser
Qui nous sépare à présent
On dit les pieds c’est important
C’est ce qui te tient debout
Et qui te fait marcher
Mais trouver chaussure à son pied c’est pas évident
Par les temps qui courent
Je sais pas si on va le rattraper
Alors on s’arrête un peu
Sur le bord pour le mirer
Tu aimera les escarpins de princesse
Avec des brillants
Ceux qui blessent
Mais sont si jolis à tes pieds
Lorsque tu étais enfant, l’école était si loin
Que tu as abandonné
Sans doute aussi
Que tu n’avais pas les bons souliers
Maintenant tu es fière
De déchiffrer avec minutie
Les mots de mon pays
Alice vient à toi chaque soir
Un livre à la main
Aux pays des supposées merveilles
Commencer par les mots pain
Ou ma soeur ou “ je vais bien”
C’est bon signe
Et c’est demain
Tu n’es pas plus princesse que je suis reine
Ça je le sais
On est juste des humaines
N’empèche on est des miroirs
En sororité
Le mien est ridé
Le tien fissuré
Mais reflet de tant d’espoir
Toi
Étrangère
Sans papier
Sans métier
Sans souliers
Le visage penché
Sur le cahier d’écolière
Perdu il y a si longtemps
Désarmée
Sur le chemin des brigandiers
Elsa pour Timée
Jeune femme demandeuse d’asile albanaise, originaire du Kosovo